ORGANISATION RÉVOLUTIONNAIRE ANARCHISTE

Un groupe anarchiste à Montréal

Ce texte a originellement été publié en marge de l’assemblée publique du 4 décembre 2022 à titre de texte de réflexion dans le processus ayant mené à la fondation de l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA). Ce processus s’est étalé sur près d’un an et demi et a rassemblée plusieurs dizaines de militant-es autour de comités de réflexion et d’assemblées publiques.

L’assemblée du 1er octobre dernier a décidé la création d’une organisation anarchiste. Il est donc temps de poser les bases de cette structure pour qu’elle puisse bientôt participer au renforcement de notre mouvement et des luttes autonomes. En plus de la décision de créer une organisation spécifique, il a été décidé entre autres que son rôle principal sera de recruter et de former de nouveaux et nouvelles militant·e·s, mais aussi de proposer des réflexions tactiques, stratégiques et d’amplifier les luttes. Pour lui permettre de remplir ces tâches au mieux, il me semble que la meilleure structure possible est celle du groupe anarchiste local.

Soyons optimistes et considérons que la quarantaine de personnes présentes à l’assemblée rejoignent cette initiative. La capacité d’action d’un tel nombre de camarades au sein d’un seul groupe serait démultipliée. À n’en pas douter, il est plus aisé de fonctionner avec des groupes de taille réduite, mais cette limitation se ressent dans l’ampleur de nos initiatives et de nos manifestations publiques. Si nous avons la prétention de recruter de nouvelles personnes en nombre suffisant, il va nous falloir apprendre à fonctionner avec des structures plus larges. La tentation serait de diviser cette structure en de multiples groupes et de les fédérer au sein d’une organisation parapluie. Or, ceci risque de poser des problèmes encore plus importants. Tout d’abord, ces subdivisions successives risquent de créer des nécessités bureaucratiques et de coordination collective plus lourdes, alors que nous n’avons même pas commencé à agir ensemble. Ensuite, ces groupes risquent de perpétuer la division du milieu anarchiste en s’organisant par groupes d’ami·e·s ou tendances ; ces structures informelles étant justement un des problèmes pointés lors des rencontres stratégiques. Concentrons plutôt nos forces et tentons de répartir collectivement nos efforts. Pour toutes ces raisons, un groupe unifié me parait être la meilleure solution pour Montréal.

Il est cependant évident qu’un groupe conséquent va devoir se doter de structures internes. Ma proposition est donc d’établir un organisme ayant une certaine unité stratégique (des objectifs communs) et une forte autonomie tactique (les structures décident du meilleur chemin vers ces objectifs). Ainsi, je propose une organisation en trois temps ; Une assemblée trimestrielle, des fronts de lutte et des comités logistiques. Ces trois structures seraient idéalement doublées en internes de formes d’organisation non-mixtes ou en mixité choisie.

Organisation par fronts

Je commencerai par expliquer la raison qui me pousse à proposer cette utilisation de fronts de lutte, et cette terminologie. Il me semble tout d’abord important de véhiculer l’idée que la raison d’être de cette organisation est d’être un groupement de révolutionnaires anarchistes accueillant·e·s, actifs et actives dans les luttes. Utiliser le terme de « front » nous rappelle, à nous et aux nouveaux/nouvelles, que l’organisation est un outil d’intervention et de renforcement de la lutte révolutionnaire. D’autre part, cette terminologie est plus enthousiasmante pour les nouvelles personnes par rapport à la dénomination habituelle de « comités ».

Ensuite, ces fronts ne vont pas s’adresser aux mêmes populations, ni être forcément acteurs des mêmes luttes. J’identifie deux secteurs distincts qui s’adressent à des groupes sociaux différents mais essentiels à notre travail ; les étudiant·e·s (Front activiste) et les classes populaires (Front social). Il est évident que le type de propagande, les modes d’organisations, les formes de luttes etc., ne peuvent raisonnablement pas être les mêmes dans ces deux fronts. Dans le premier cas, un milieu éduqué, facilement politisable, propre à faire de l’agitation et dans l’autre, un milieu prolétarien, aux origines diverses, qui nécessite un travail sur le temps long par des soutiens à ses luttes et des pratiques d’entraide pour être acquis à notre cause.

Ces fronts doivent donc posséder des structures d’action, de communication, de formation et de recrutement indépendantes. Les comités logistiques peuvent fournir le matériel nécessaire, mais l’orientation et le contenu politique du matériel doivent être décidés par les membres du front.

Structure

Les fronts de lutte doivent avoir une large autonomie en termes de tactiques pour les actions, la communication, le recrutement et pour les formations. Le rôle de l’organisation est de fournir une aide technique si nécessaire ; en termes de production de matériel ou de redistribution de fonds par exemple. Cette forte indépendance tactique doit cependant se coordonner au sein d’une vision stratégique commune pour favoriser la synergie entre les fronts.

L’Assemblée trimestrielle est une structure de coordination où tou·te·s les membres peuvent participer à décider de la ligne stratégique de l’organisation. C’est donc avant tout un lieu de discussion et d’entraide, dédié au renforcement de l’efficacité du groupe. C’est aussi le lieu où les comités et les fronts font leurs retours et rendent compte de leur activité. Enfin, pour les projets d’ampleur, ou qui nécessitent d’importantes sommes, c’est le lieu de prise de décision dédié. L’assemblée valide aussi la participation des membres des comités, ces derniers ayant une grande responsabilité, il est important que les camarades aient confiance dans les personnes qui assument ce rôle. En cas d’urgence ou de problème interne majeur, une assemblée d’urgence peut être appelée par un·e membre de l’organisation, si nécessaire.

Les comités suivent les lignes politiques décidées en assemblée et doivent demeurer des structures techniques et logistiques, ils ne doivent pas se substituer au travail des fronts. Ces comités peuvent cependant prendre des décisions selon les prérogatives qui leur sont attribuées.

Dans l’idéal, toutes ces formes organisationelles devraient être redoublées de structures non-mixtes ou en mixité choisie afin que les camarades qui le souhaitent puissent s’organiser de façon autonome et faire entendre leur voix au sein du groupe. Les formes exactes devront évidemment être décidées par les personnes concernées.

Le front activiste

Il faut acter que l’essentiel de nos forces et de nos capacités d’action repose actuellement autour du milieu étudiant. On peut le déplorer ou s’en féliciter, en voir les limites et les avantages, mais les faits sont têtus : nous recrutons essentiellement dans cette catégorie sociale. Or, nous sommes légitimement mal à l’aise avec cet état de fait qui tend à reproduire notre milieu comme un mouvement largement blanc et déconnecté des classes populaires. Cette gêne est compréhensible, mais je pense qu’il est temps d’assumer pleinement que nous avons besoin de cet apport de militant·e·s et de ces ressources financières et logistiques. Il faut donc s’organiser en conséquence pour en tirer le meilleur parti.

Le front étudiant pourrait servir à encourager le lancement des grèves, à la diffusion de la propagande, à coordonner les activités anarchistes et à former les nouvelles générations à travers la ville. Ces camarades ayant généralement plus de temps pourront aussi être en activité dans toutes les luttes menées actuellement par le mouvement, de l’anticolonialisme à l’écologie.

En ayant une organisation qui recrute ouvertement et dont les activités sont dynamiques et utiles aux étudiant·e·s en plus d’ouvrir sur un milieu plus large, nous ne manquerons pas de nous implanter dans de nombreuses écoles et universités. Avec cette mise en place d’un travail spécifique, il est tout à fait imaginable d’avoir une position hégémonique dans ce milieu. Le renforcement de notre présence dans ces hauts lieux de politisation peut nous fournir un apport majeur en nouveaux et nouvelles anarchistes et en ressources diverses. En plus des luttes spécifiques de ce mouvement, il sera d’autant plus facile de venir renforcer les luttes populaires et le travail d’implantation locale par les subventions tirées de ce milieu et l’arrivée de nouvelles personnes.

De plus nous devrions ainsi limiter les départs de militant·e·s, qui quittent nos milieux une fois leurs études terminées. Cette organisation par fronts permet de proposer diverses façons de militer et des niveaux d’implications différents. Schématiquement, les plus jeunes camarades peuvent faire de l’activisme, les camarades qui ne peuvent s’exposer, ont d’autres responsabilités ou limitations, ou sont généralement plus agé·e·s peuvent participer à des activités d’implantation et de luttes sociales essentielles sur le long terme. La participation à ce front n’est évidemment pas réduite à une classe d’âge ou à une catégorie sociale, il s’agit simplement de prendre en conpte une forte tendance de notre milieu.

Le front social

Le pendant de ce qui a été dit au sujet du front étudiant est que nous sommes largement déconnectés des milieux populaires et des populations racisées spécifiquement. S’attaquer à ce problème majeur est un enjeu historique pour le milieu anarchiste occidental et nous peinons à être à la hauteur. Selon moi, les modèles organisationnels les plus prometteurs sont ceux des centres sociaux implantés dans des quartiers populaires. Cette analyse est le fruit de plusieurs constats. Tout d’abord, l’organisation sur le lieu de travail, sans être entièrement dépassée, laisse de côté une large partie du prolétariat (travail domestique, travailleur·euse·s migrant·e·s, personnes au chômage, précaires, etc.). Ensuite, l’expérience de ces centres sociaux en Grèce, Allemagne ou Italie, montre le poids local que peuvent avoir ces structures et leur importance pour la crédibilité du mouvement révolutionnaire.

Le centre social permet, de plus, plusieurs choses qui ont été nommées lors des rencontres stratégiques ; un lieu physique où s’organiser et un ancrage dans les luttes réelles pour l’amélioration des conditions de vie. Ce type de lieu peut être une vitrine extraordinaire pour notre mouvement qu’il est actuellement facile de catégoriser comme déconnecté des réalités sociales. Si le mouvement qui mène des luttes combattives est le même qui organise des soupes populaires, il est plus difficile de décrédibiliser nos propositions. Un lieu de ce genre, ouvertement anarchiste, propre et organisé avec sérieux, serait un outil majeur d’aide aux populations opprimées et un outil de recrutement sans précédent. Le front pourrait bien sûr organiser autre chose que le centre social, selon le quartier d’implantation. On peut très bien imaginer que ce travail fournisse un soutien majeur aux luttes de l’immigration ou du logement, par exemple.

Synergie

La séparation entre deux types de militantisme ne signifie pas que ces deux fronts cessent de se parler ou de collaborer, bien au contraire. L’idéal serait que nombre de camarades s’impliquent dans les deux structures. Mais même si ce n’est pas le cas, il est facile d’imaginer les bénéfices mutuels d’une telle coordination.

Les activistes peuvent participer aux campagnes de collage annonçant les activités du centre social, ou organiser les manifestations de locataires dans le quartier. Ces mêmes camarades peuvent à leur tour bénéficier d’une base d’appui populaire dans un quartier, d’un lieu où s’organiser et organiser des événements en rapports avec leurs luttes.

Ces deux structures ne fonctionnent pas l’une sans l’autre. Le front social a besoin de l’apport en argent et en énergie du milieu activiste. Le milieu activiste a besoin de ses camarades pour avoir des liens avec les milieux populaires et ne pas perdre toute raison d’être.

Les comités

Les comités de travail sont l’armature logistique de l’organisation, mais ne possèdent pas d’autonomie politique. Leur raison d’être est le soutien logistique pour les fronts. Néanmoins, étant donné l’importance des tâches et des responsabilités de ces structures, il faut que leurs membres et la définition des tâches à accomplir soient décidés collectivement par l’assemblée trimestrielle.

Trésorerie

Ce comité est responsable de la coordination des levées de fonds, de la trésorerie, du financement des activités des fronts, et de façon générale de tout qui a trait à l’argent au sein de l’organisation.

Production théorique

Sa fonction est d’organiser des temps de débats et d’autoformation internes à l’organisation pour clarifier nos lignes politiques et notre stratégie d’intervention. Le résultat de ce travail pourra ensuite mis en forme par les responsables pour présenter une position commune ou acter un désaccord et rendre compte des discussions.

Le comité peut aussi se charger de proposer des pistes de réflexions et de travail aux autres camarades. Il évidemment essentiel que les membres de ce comité soient acteurs des luttes. Pour insister sur cette nécessité, le travail de ces camarades doit aussi être d’assurer un suivi des luttes en cours, et de faire des retours à l’organisation.

Le groupe peut aussi exister en appui aux fronts dans la production de matériel théorique en tout genre ; aide à la formation, clarifications idéologiques, tracts, etc. De façon plus générale, ce comité doit se charger de produire de la théorie actuelle et utile aux militant·e·s ainsi que des pistes de réflexion et d’action pour l’organisation et le milieu anarchiste dans son ensemble.

Comité formation

Comme il a été dit, les fronts sont autonomes dans leur recrutement et leur formation. Néanmoins, un certain nombre de points d’accords non-négociables vont devoir être décidés à la création de l’organisation. Il va donc s’agir d’avoir du matériel et des personnes capables de faire ce travail d’éducation pour les nouvelles personnes. Ce travail pourrait par ailleurs tout à fait être réalisé en collaboration avec le comité théorique.

Par ailleurs le rôle du comité sera aussi de produire des formations internes et externes, sur des sujets techniques et théoriques. Des intervenant.es extérieurs pourront évidemment être solicités, il n’est pas attendu que le comité soit omniscient. Charge à lui néanmoins de créer et d’organiser ces espaces.

Gestion des conflits et redevabilité

Il est important qu’une structure de résolution des conflits soit mise en place. En effet, des désaccords et des engueulades vont certainement avoir lieu et il est important que ces problèmes soient pris en compte et résolus collectivement. Il est aussi possible que des cas plus graves de racismes, de sexismes, d’agressions et de violences aient lieu. Il vaut mieux se préparer à l’avance plutôt que d’attendre l’arrivée des problèmes et agir dans l’urgence. Le fonctionnement précis reste à élaborer, mais on pourrait déjà donner comme prérogative à ce comité le travail d’enquête, de suspension, d’éloignement, et de recommandations à l’organisation, en se basant notamment sur les principes de justice réparatrice. Il est évidemment essentiel que ce comité ne soit pas constitué exclusivement de petits bourgeois blancs.

Comité communication

Le groupe est chargé de produire du matériel de propagande sur demande des fronts, basé sur leurs besoins spécifiques. Le comité est aussi responsable de la gestion du site internet, des réseaux sociaux et de la gestion des listes courriel internes. Le groupe se retrouvant ainsi à la croisée des différentes informations, il est aussi chargé de l’organisation des assemblées.

Comité légal

Le comité légal se charge de l’aide aux victimes de la répression pour les membres de l’organisation. Dans la mesure du possible le comité peut aussi essayer de fournir une aide juridique pour toutes les victimes de la guerre sociale et les prisonniers révolutionnaires.

Si les fonds de l’organisation sont suffisants, un fond de défense doit être créé en lien avec la trésorerie, pour prévenir les coups durs et fournir une aide aux luttes anticarcérales. Étant donné les sommes souvents importantes et le travail sur le temps long, un comité permanent permet d’assurer la pérennité du projet. Le temps judiciaire étant généralement très différents des temporalités militantes.

Conclusion

Quelle que soit la décision prise par la future organisation, il me semble important d’insister sur les risques inhérents de voir le groupe se déliter si nous introduisons trop de subdivisions dans notre structure. L’objectif n’est évidemment pas de viser à une quelconque centralisation, mais de permettre un renforcement quantitatif et qualitatif du mouvement anarchiste. Or, pour cela il est nécessaire de concentrer nos forces. Il est temps de se risquer à tenter des formes d’organisations nouvelles et de faire des expérimentations. Étant donné nos forces et notre poids actuel, rien ne coûte d’essayer.

Annexes et réflexions

Plusieurs discussions et débats autour des questions qui suivent n’ont pas été tranchés ou n’ont pas eu le temps d’être élaborées. Ce qui suit est une tentative de donner des précisions et des pistes de réflexion.

Qui est membre du groupe anarchiste ?

La problématique des modes d’appartenance au groupe est une question importante pour toute organisation politique structurée, mais aussi pour tout rassemblement soucieux de sa sécurité et de son orientation politique. Il semble donc essentiel de savoir qui appartient ou non à l’organisation pour limiter les risques. Pour ce faire il faut que des camarades puissent tenir à jour des listes de membres. Il est évidemment possible d’utiliser un nom de guerre, mais ce nom doit pouvoir être associé à la personne correspondante.

Dans l’optique de ne pas reposer uniquement sur les sources de financement étudiant, le paiement d’une cotisation abordable et modulée selon les situations individuelles pourrait être un moyen de lever des fonds de façon autonome. Cette cotisation est aussi une bonne façon de savoir qui est un membre actif ou un simple sympathisant de l’organisation. Un des avantages du membre actif de l’organisation étant la participation aux mécanismes de prises de décision, être à jour de cotisation pourrait être un des minima exigé en plus de l’adhésion aux principes de base de l’organisation.

Comment augmenter la présence de personnes racisées dans nos milieux ?

Il est important de questionner la sous représentation de minorités racisées et autochtones dans nos milieux. Cependant, il est aussi important de ne pas faire de ce problème une condition sine qua non de l’existence de l’organisation. En effet, l’alliance avec des groupes racisés ou l’intégration de personnes de ces communautés dans nos milieux ne peut se faire efficacement en nombre conséquent sans l’existence préalable d’un groupe structuré et public.

Il s’agit de ne pas oublier que les communautés et les groupes racisés ont leur propre autonomie politique. Notre rôle ne devrait pas forcément être de chercher à recruter en leur sein. Nous devons, bien sûr, créer un cadre favorable pour que cette implication soit possible, mais la priorité est de construire une force d’opposition et de proposition crédible pour ces personnes. L’engagement sans faille d’une organisation politique en appui des luttes et de la défense de l’autonomie des opprimées est le meilleur moyen de convaincre des gens de nous rejoindre.

Ce ne serait pas mieux et plus simple de réunir les groupes qui existent déjà ?

Le milieu anarchiste possède déjà des groupes informels, des initiatives alliées  et des structures amies ou proches de nos mouvements. La création d’une organisation anarchiste ne devrait-elle pas servir avant tout à rassembler ces initiatives plutôt que d’exister séparément ? Cette question revient chez plusieurs camarades bien intentionné·e·s vis à vis de l’organisation et la question mérite en effet d’être posée.

Tout d’abord, il faut rappeler que le problème principal qui est nommé depuis le rassemblement stratégique est notre difficulté à renforcer le mouvement, à accueillir et à former de nouvelles personnes. Une organisation qui se contenterait d’être un groupe parapluie pour les initiatives libertaires ou apparentées ne résoudrait pas ce problème central. En effet, la plupart de nos groupes ne sont pas constitués de façon à accueillir facilement de nouveaux et nouvelles camarades et sont encore moins capables de les former.

Ensuite, ces groupes et initiatives n’ont pas nécessairement le temps ou l’envie de se consacrer à ce qui représente une importante quantité de travail si on veut le faire efficacement. Le simple travail de coordination entre les différents groupes risquerait d’ailleurs d’être une activité à plein temps.

Enfin, l’objectif principal doit être d’accueillir de nouvelles personnes. Cette forme d’organisation ne permet pas de dépasser les limites actuelles de notre mouvement, en plus d’être un travail chronophage. Il est urgent de faire entrer de nouvelles énergies et de nouvelles idées plutôt que de tenter de convaincre une multitude de camarades qui ont des habitudes et des pratiques établies de longue date.

Quels sont les objectifs du front activiste ?

Le front activiste, selon nos conceptions, est ce qui se rapproche le plus de nos pratiques actuelles, avec un certain nombre de nouveautés organisationnelles. Le front devrait avoir pour priorité d’étendre son influence là où il nous est le plus facile de le faire : le milieu étudiant. C’est là d’où proviennent déjà l’essentiel de nos militants et de nos sources de financement. La proposition consiste néanmoins à systématiser cette approche et à proposer une structure d’organisation aux militant·e·s étudiant·e·s. En ayant une présence publique dans les cégeps et universités, nous pourrions bénéficier d’un accès plus systématique à tout ce que nous pouvons arracher à ces institutions (locaux permanents, réservations de salles, évènements publics, financements etc).

Ce front va donc devoir se doter d’une forte structure de recrutement car c’est vraisemblablement par lui que l’essentiel des nouvelles personnes militantes vont continuer à arriver pour une période indeterminée. De même pour l’essentiel du financement de l’organisation dont va dépendre une grande partie de l’organisation. En dehors de ces deux nécessités logistiques majeures, le front devra aussi être le fer de lance des revendications étudiantes, ou au moins être un acteur majeur et une force de proposition en soutien aux luttes du milieu.

Cette nécessité activiste est à la fois pratique et politique : pour être une force politique crédible nous devons être capable de convaincre par la pratique et l’engagement de nos camarades. Trop souvent la quantité d’énergie dépensée dans ce milieu par nos ami·e·s ne permet qu’un renforcement relatif du mouvement révolutionnaire. Le manque d’opportunités organisationelles pour les personnes intéressées renforce le fait que nous perdions les militant·e·s qui finissent leurs études sans une idée claire d’où s’organiser après ces années formatrices.

Le front n’est cependant en rien tenu de réduire son activité à des sujets purement étudiants. Le mouvement écologiste et le soutien aux luttes autochtones ont prouvé qu’il existait un intérêt pour ces formes d’implication. Il est tout aussi possible de mobiliser sur ces questions, de fournir une cohérence entre les différents secteurs de lutte et de coordonner nos frappes. Ajoutons que les étudiant·e·s ont généralement le temps et l’énergie nécessaire pour être fortement actifs politiquement. Il faut éviter que nos camarades dépensent leurs énergies dans des luttes réformistes et sans perspectives révolutionnaires.

Quels sont les objectifs du Front social ?

Les objectifs de ce front correspondent à la réelle réorientation stratégique nécessaire au milieu anarchiste. L’objectif est ici de sortir de nos ghettos militants étudiants pour répandre nos idées et pratiques dans le reste de la population, auprès de « monsieur et madame Tout-le-monde », et en premier lieu chez les habitant·e·s des quartiers populaires. Les méthodes de luttes et les pratiques ne pourront donc pas toujours être les mêmes que celles du front activiste.

Pour nous, le point névralgique de ce front doit être une activité de territorialisation de notre action politique : un centre social, ouvert sur le quartier. Il est en effet nécessaire de développer nos propres activités politiques, d’éducation ou de solidarité en tant qu’anarchistes et à visage découvert pour espérer renouer les liens avec le reste de la population. Notre déconnnexion actuelle des classes populaires est une menace mortelle pour tout·e anarchiste qui essaye encore de penser la révolution. Par des soupes populaires, des luttes sur le logement, contre la vie chère, pour plus de démocratie locale, etc., nous pouvons espérer renouer avec ce qui faisait autrefois la force et la crédibilité de notre mouvement : sa base sociale.

Il ne s’agit pas de dire que ces activités ne sont pas déjà menées par des camarades, bien au contraire. Le lectorat averti aura immédiatement en tête diverses initiatives actuellement en cours à l’heure où nous écrivons ces lignes. Et c’est bien là le problème, ces activités menées globalement par des militant·e·s anarchistes ne sont que rarement identifiées comme telles et n’orientent presque personne vers l’engagement au sein de notre mouvement. Nous proposons de transformer l’essai en tirant pleinement parti de tout ce travail de terrain.

Une organisation anarchiste implantée localement, dans le quotidien de la population, ne peut pas échouer à se renforcer et à se diversifier. Il faut ici revenir sur l’importance cruciale d’un lieu d’organisation, et dans l’idéal, d’un ou de plusieurs centres sociaux. Cette forme d’organisation politique permet une forme d’implication et de défense des groupes opprimés qui ne se limite pas aux formes salariales de l’exploitation, tout en permettant une ouverture vers du travail purement solidaire, de l’éducation populaire, des initiatives culturelles et de sociabilité populaire.

Seulement quand nous orienterons nos activités vers les besoins des populations locales pourrons-nous espérer sortir des cadres établis où notre mouvement survit actuellement.

Comment s’articulent le front social et le front activiste ?

Les deux structures ne peuvent exister de façon indépendante et sont pensées pour se renforcer mutuellement. Il est donc nécessaire que chaque camarade ait à coeur de faciliter et de soutenir l’activité de l’autre, même si tout le monde n’aura vraisemblablement pas le temps ou l’envie de participer aux deux.

Les bienfaits principaux du front activiste ont déjà été nommés ; nouveaux et nouvelles anarchistes motivées et financement. Le front social de son côté fournit un lieu d’organisation durable et permet l’implantation de nos idées et pratiques dans la population.

L’assemblée générale devrait être une structure suffisante pour permettre à tout le monde de s’entendre et pour que le soutien des camarades à l’autre front se fasse autant que possible. Les deux structures pouvant, au besoin, avoir des spécificités organisationnelles et politiques, il est important qu’une forte vitalité politique, de nombreuses discussions et des activités sociales soient favorisées au sein de l’organisation pour permettre de renforcer la cohésion du groupe. En dehors de ça, il ne semble pas excessif d’attendre une solidarité entre camarades anarchistes et que les inévitables problèmes soient pris en charge par les structures prévues à cet effet.

Propositions :

Création d’un groupe anarchiste montréalais autonome

Le mode d’organisation du groupe se fait par assemblées générales régulières

Le groupe se structure en deux fronts de lutte : un front social et un front activiste.

Le front social vise à soutenir les luttes des opprimées à travers des activités de solidarité et son implication dans la lutte de classe.

Le front activiste est chargé des activités d’agitation et s’oriente notamment vers le milieu étudiant.

Des comités communs assurent la gestion collective de l’organisation en dehors des AG.

Le groupe anarchiste pourra se doter de structures en non-mixité mais attendra la réunion prévue par ces camarades pour ne pas empiéter sur leurs prises de décision.