ORGANISATION RÉVOLUTIONNAIRE ANARCHISTE

Réflexions sur la nouvelle organisation révolutionnaire anarchiste

Ce texte a originellement été publié en marge de l’assemblée publique du 4 décembre 2022 à titre de texte de réflexion dans le processus ayant mené à la fondation de l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA). Ce processus s’est étalé sur près d’un an et demi et a rassemblée plusieurs dizaines de militant-es autour de comités de réflexion et d’assemblées publiques.

Dans leur mouvance et pluralité, les luttes progressistes au soi-disant Québec accueillent souvent des militances anarchistes. En fait, des personnes anarchistes sont largement présentes au sein d’organisations de gauche, par exemple en faisant la permanence d’organisations communautaires ou en étant sur l’exécutif d’association étudiante. Ceci est d’une grande utilité pour le mouvement et permet d’allouer les fonds aux bons endroits. Malheureusement, en utilisant activement la stratégie de se fondre dans la masse, la diffusion des idées anarchistes est souvent reléguée au second en plan en raison de considérations pragmatiques, passant des droits des locataires aux luttes pour les sans-papiers. Il nous faut trouver le moyen de mener ces luttes essentielles, conserver les forces que nous possédons tout en renforçant le mouvement anarchiste. C’est pourquoi nous ne proposons pas une forme de structures définitive. Restons clair-e-s, la nécessité d’une organisation anarchiste publique nous semble indiscutable. Seulement, nous ne cherchons pas à dédoubler les initiatives essentielles de nos camarades. Alors, nous espérons que cette structure pourra servir à faciliter la cohésion du milieu en plus d’accueillir et de former de nouvelles personnes.

D’abord, les différentes organisations existantes réussissent à couvrir une base minimale de lutte et d’événements. Entre les manifestations qu’il faut complémenter d’un discours plus radical (manifestations syndicales, étudiantes, etc.), à celles qui sont directement issues d’une tradition libertaire (15 mars, 1er mai), en passant par des espaces explicitement anarchistes (DIRA, Insoumise, Black Flag) et alliés (l’Achoppe, B7), sans compter la frange insurectionnaliste ou autonomiste du mouvement, il semble important de ne pas ignorer les initiatives existantes et leurs calendriers propres. Idéalement la mise en place d’une organisation supplémentaire ne viendrait pas entrer en compétition, mais permettre de complémenter et de renforcer les liens existants entre ces groupes tout en développant des activités propres visant à rejoindre les populations les plus ignorées par les vagues de luttes. Il faut donc que l’organisation soit capable de se réinventer lorsque souffle une grève étudiante ou d’apporter de nouvelles campagnes dans les périodes où moins de travail venant d’autres organisations se produit.

Nous considérons donc que cette organisation doit nécessairement pouvoir offrir un espace de coordination au milieu. Ceci pourrait prendre la forme d’assemblées anarchistes tenues à fréquence régulière, auxquelles les différents groupes et individus actifs peuvent présenter les luttes et les projets en cours de manière à s’assurer que les plans effectués par l’organisation soient cohérents avec le reste du mouvement. Le but n’est toutefois pas de simplement organiser un mouvement diffus, mais de, premièrement, mieux répondre aux demandes de support et de solidarité et, deuxièmement, mieux saisir les opportunités offertes et les champs qui sont libres pour la lutte lors des différentes saisons. Le but est ainsi de s’assurer d’une action cohérente avec le reste du milieu et d’éviter que les relations soient seulement maintenues par des individus.

La nécessité pour notre mouvement de se renforcer, d’accueillir de nouvelles personnes et de les former a été pointée à de nombreuses reprises et semble faire consensus. Bien que la coordination des efforts de lutte prendrait une place importante dans le rôle de l’organisation, il semble beaucoup plus approprié que l’organisation soit constituée d’individus et non un simple réseau de groupes. En effet, bien que certaines organisations persistent dans le temps, nous voyons actuellement plusieurs limites dans l’accueil de nouvelles personnes au sein notre milieu. L’organisation pourrait avoir des comités semi-ouverts, dans lesquels les personnes impliquées peuvent décider d’inclure de nouvelles personnes au besoin, ainsi que des comités ouverts qui seraient annoncés publiquement dans les instances de l’organisation.

Puisque le but d’une telle organisation serait de perdurer par delà les hauts et les bas du milieu, il serait intéressant de penser à la possibilité d’un membership assorti d’une cotisation. Dans le passé certaines organisations demandaient 1 % du revenu à partir d’un certain niveau de revenu assurant ainsi l’inclusion des personnes plus démunies. De telles mesures pourraient faciliter la pérennité de l’organisation en cas d’assèchement des sources de financement étudiant.

Parallèlement, l’organisation devrait contribuer à la formation et au développement de capacité des nouveaux·elles militant·e·s de deux façons : en créant à la fois du contenu explicitement libertaire et des espaces qui permettent l’interaction avec des pensées révolutionnaires. Ceci répondrait au manque criant d’information accessible et permettrait le transfert des connaissances et des ressources disponibles dans le milieu vers les nouveaux-elles militant-e-s.

Il apparaît aussi important de prendre en compte les dynamiques de pouvoir qui peuvent survenir dans de tels espaces. Bien que le fait d’avoir une organisation formelle favorise une reddition de compte entre les organisateur·trice·s, il reste probable que des dynamiques de pouvoir se produisent et il est toujours intéressant de réfléchir à ces mécanismes avant que les problèmes ne surviennent.

En somme nous prônons que l’organisation anarchiste se dote d’un membrariat individuel, formel, et adjoint d’une cotisation et que son rôle divise en trois champs d’activité distincts et complémentaires :

 

  • Accueillir et former de nouvelles personnes
  • Offrir un espace de coordination et soutenir le milieu anarchiste
  • Mener ses propres luttes et activités.