ORGANISATION RÉVOLUTIONNAIRE ANARCHISTE

La jeune génération et le nouveau projet militant

Ce texte a été originellement publié à titre de texte de réflexion dans le processus ayant mené à la fondation de l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA). Ce processus s’est étalé sur près d’un an et demi et a rassemblée plusieurs dizaines de militant-es autour de comités de réflexion et d’assemblées publiques.

Si on constate présentement dans les réseaux radicaux montréalais une démobilisation des actions et des membres, ainsi qu’une désorganisation des structures démocratiques qui tiennent les différents groupes en place, c’est majoritairement par un manque de transmission des savoirs, de tactiques et de valeurs entre nos prédécesseurs anarchistes, appelons-les affectueusement la « vieille-garde », et la nouvelle génération de jeunes adultes radicaux de gauches. La COVID-19 ayant sans doute aidée à creuser ce clivage générationnel, il est évident que cette division cause maintenant des torts difficilement remédiables au sein de certains groupes radicaux. Sans relève qualifiée, motivée et supportée, nos mouvements, notre base militante et nos ressources s’essoufflent. Pourtant, il est apparent que l’engouement pour l’anticapitalisme et la lutte aux structures d’oppression a rarement dans l’histoire été aussi populaire. Les jeunes adultes et adolescent.es militent, parfois malheureusement sans grand raisonnement critique, pour la lutte aux changements climatiques, la justice sociale, la reconnaissance du territoire et des droits autochtones et, dans des épisodes si récents qu’ils sont encore frais dans notre mémoire, le définancement de la police. Un sondage récent démontre que 51% des jeunes entre 18 et 29 ans rejettent le système capitaliste. Même dans leurs discours politiques de tous les jours, la jeune génération semble consciente des fautes du système, ou plutôt que c’est la faute au système. Leur réflexion sur le sujet est parfois limitée, mais elle est néanmoins l’ébauche d’un discours anticapitaliste populaire émergeant. Les preuves contre l’hégémonie néo-libérale ne sont plus à faire; la nouvelle génération en est consciente, nos politicien.nes en sont conscient.es, et les chef.fes d’entreprises en sont conscient.es.

Alors pourquoi cette jeune masse militante ne se retrouve-t-elle pas disproportionnellement dans des groupes radicaux? Pourquoi les actions directes anticapitalistes se font-elles de plus en plus rares, et pourquoi les manifestations annuelles des collectifs radicaux se font-elles de moins en moins nombreuses, et de moins en moins pertinentes? Où se trouve donc cette jeunesse militante et politisée contre laquelle les médias de masse nous mettent en garde? La réponse se trouve dans un manque d’accessibilité aux réseaux militants de gauche, et dans l’adoption de l’esthétique révolutionnaire par des mouvements de contestation essentiellement néo-libéraux. Les collectifs anticapitalistes adoptent généralement une posture méfiante, et éventuellement isolée, par rapport à leurs nouveaux membres et à toute médiatisation, contrôlée ou non, de leurs actions. Les raisons derrière cette attitude gardée sont plus que justifiables : infiltré une fois shame on them, infiltré dix fois shame on us. Mais il n’en découle pas moins un manque de portes d’entrée pour des nouvelleaux militant.es, celleux qui ont souvent le plus d’énergie à accorder à de tels mouvements, et celleux qui ont sans doute le plus besoin d’un cercle d’action radical afin de pousser leur militantisme plus loin que les congrès de Québec Solidaire. Après tout, ce sont souvent elleux qui manquent le plus de réflexes lorsqu’il s’agit de culture de sécurité ou qui adhèrent à des valeurs anticapitalistes sans pour autant être en mesure de formuler une critique du système néo-libéral qui va plus loin qu’un simple appel à une réforme du mode de vie individuel, des revendications qui sont en fin de compte inutiles. Bref, la jeunesse est motivée, mais peu éduquée sur les idéaux anticapitalistes.

Ainsi, dans la perspective de la création d’un nouveau réseau radical anarchiste à Montréal, il est primordial que ce mouvement soit accessible à tous.tes, peu importe leur niveau de littéracie militante, qu’il soit vocal et public, non pas en dépit de la culture de sécurité, mais par soucis de sécurité pour tous.tes ces nouvelleaux militant.es qui ont besoin de toute l’information disponible. Si nous pouvons instaurer ce mouvement et, dans une perspective anarchiste et démocratique, y intégrer graduellement la force d’action que représente la nouvelle génération, ce sera un pas de plus vers la révolution.