*Ce texte est inspiré des outils pour devenir de meilleures militantes de la Convergence des Luttes Anticapitalistes (CLAC).
Certaines attitudes et comportements sont à privilégier dans les organisations horizontales pour que les choses se passent bien. Afin de favoriser l’implication de toustes, il importe d’être consciente de nos propres comportements. L’habilité à travailler en groupe non-hiérarchique, sans chef, est comme un muscle, on doit le pratiquer pour le rendre efficace! Voici donc quelques exercices de callisthénie anarchiste:
- Garde tes interventions courtes et claires
- Si tu as tendance à prendre souvent la parole, laisse les autres s’exprimer en premier
- Évite de toujours proposer ta solution avant que les autres aient pu contribuer à l’échange collectif
- Tu n’es pas obligé d’intervenir sur tous les sujets ni d’avoir réponse à tout.
- Oriente tes interventions vers le sujet de discussion plutôt que vers toi. Tu n’es pas obligé d’être le centre d’attention, évite d’utiliser des stratagèmes ou des mises en scène pour rapporter l’attention sur toi ou tes idées.
- Évite de changer de sujet ou de toujours tout ramener à tes propres sujets de prédilections.
- Laisse ton égo à la porte. Tes expériences et ton CV militant ne rendent pas tes propos plus importants que ceux de tes nouvelles camarades.
- Évite de répondre à toute opinion contraire à la tienne comme s’il s’agissait d’une attaque personnelle. Tu n’es pas obligé de répliquer au moindre commentaire sur ce qu’on a dit plus tôt.
- Mise sur la collaboration plutôt que sur la compétition.
- Sois à la fois humble et responsable de tes actions.
- Accepte de recevoir la critique, de parler de tes propres comportements sans détourner le sujet.
- Évite les comportements passif-agressif, victimaire, condescendant, dragueur, manipulateur…
- Fais ton possible pour que tout le monde te comprenne, en évitant les insides, le langage obscur connu seulement de quelques camarades.
- Respecte les tours de paroles, n’interromps pas les autres durant le leur.
- Évite de répéter ou de reformuler ce que des camarades ont dit avant toi.
- Fais confiance aux autres pour s’exprimer et évite de répondre à leur place, tu n’es pas le porte-parole.
- Ne parle pas au nom d’une collectivité pour donner plus de poids à tes opinions.
- Parle à la première personne.
- Favorise l’écoute active. Ça veut aussi dire de ne pas formuler mentalement une réponse dès les premiers mots de la personne qui parle (as-tu vraiment besoin de lever la main au tout début de l’intervention? Écoutes-tu encore quand tu as la main levée?)
- Favorise un temps de parole équitable pour toustes.
- Formule en propositions plutôt qu’en affirmations et évite d’avoir un ton ferme comme si ta position était finale et indiscutable.
- Sois ouverte, et considère sérieusement les propositions des autres.
- Reconnais la diversité des savoirs, des expériences et des formes d’implications. Il n’y a pas qu’une seule manière de faire et la tienne n’est pas nécessairement celle qui convient à tout le monde.
- Évite d’intellectualiser, de blaguer, de résister passivement, de prétendre qu’«on n’a pas le temps» ou de minimiser les émotions des autres lorsque vient le temps d’échanger des sentiments.
- Prête attention à ton langage non-verbal: mouvements d’humeur, agitation manifeste, soupirs, rigoler, chuchoter, etc. Ces gestes peuvent décourager des camarades de s’exprimer ou invalider leurs propos.
- Ne sois pas condescendante ni surprotectrice, c’est infantilisant. Toutes les propositions sont valables et devraient être discutées.
- Propose des alternatives et des solutions quand tu formules des critiques.
- Considère les biais induits par ta position sociale (ex. une personne opprimée par le genre te fait part de dynamiques oppressives, fais preuve d’écoute et d’ouverture plutôt que d’invalider son analyse)
- Évite d’invisibiliser ou de hiérarchiser les fronts de luttes («Laissons les féministes organiser la manif du 8 mars, après tout c’est leur journée internationale…») ; de minimiser les oppressions dans notre mouvement (racisme, sexisme, hétérosexisme, classisme, capacitisme, âgisme…).
- Respecte le fonctionnement du groupe ainsi que les décisions prises collectivement.
- Évite de bloquer systématiquement les décisions collectives. Dans un processus participatif, égalitaire et consensuel, il faut accepter que les décisions ne reflètent pas toujours notre choix.
- Si c’est la première fois que tu participes à un groupe, écoute un peu avant de parler sur tout et n’importe quoi, et de faire la leçon sans connaître l’histoire du groupe.
- Évite de monopoliser les tâches. Si tu vois que tu prends toutes les tâches, laisse les autres en prendre avant de sauter dessus.
- Un groupe ne devrait pas reposer uniquement sur les compétences d’individus spécifiques pour fonctionner. Pose-toi la question: est-ce que le groupe serait capable de continuer si je me faisais frapper par un autobus demain matin?
- Évite le gatekeeping. Le contrôle de l’accès à l’information accentue l’influence informelle qu’un individu peut exercer sur le groupe et à l’extérieur du groupe, en réduisant d’autant l’autonomie des autres. Au contraire, la circulation de l’information favorise le partage des savoirs et des connaissances, et donc l’autonomie des membres, en plus de permettre à l’ensemble des membres de participer aux décisions de façon éclairée.
- Respecte tes limites et celles des autres. Prends en charge un nombre de tâches réaliste que tu auras la capacité d’accomplir.
- Fais confiance aux autres pour prendre des décisions en ton absence. Ne reviens pas sur les décisions prises lors des réunions passées. Si on n’est vraiment pas d’accord, il est préférable de poser des questions sur les raisons qui ont mené à une décision avant d’émettre ses critiques. Mieux vaut faire confiance à la bonne foi des personnes impliquées.
- Ce qui a toujours été fait dans cette organisation n’est pas nécessairement ce qui doit toujours et à jamais être fait.
- Ne prends pas de décision importante sans consulter le groupe. Il y a parfois des moments où c’est nécessaire, mais il faudrait au moins que la majorité des personnes concernées ait été consultée et ait pu se prononcer.
- Évite les discussions de couloir, qui contournent les processus formels. Manœuvrer hors des instances décisionnelles et des canaux de communication « officiels » pour imposer ses idées peut semer confusion, méfiance et frustration. Les groupes et organisations ont souvent des processus de prise de décision clairement identifiés et il est important de les respecter.
- Évite de comploter. Former une clique avant les rencontres collectives pour s’y imposer en bloc lors de prises de décision provoque méfiance et division. La transparence renforce la confiance, l’unité et la force collective.
- Évite de faire le gérant d’estrade. Rester sur une liste courriel ou un group-chat sans s’y impliquer activement, ou seulement pour donner son avis peut nuire à la dynamique d’un groupe et à son bon fonctionnement. L’implication concrète de l’ensemble des membres dans les processus collectifs renforce la collaboration et la solidarité. Sans oublier que la participation aux réunions permet d’avoir des débats de fond et des échanges plus fructueux et conviviaux que ceux qui se limitent au cyberespace.
- Sois respectueuse et mesurée dans tes communications électroniques. Évite les majuscules et les caractères gras.
- Préconise des échanges constructifs en personne, évite les échanges de courriels interminables et les débats sur messagerie instantanée.
- L’État et les réactionnaires surveillent nos activités, ne leur facilitent pas la tâche.
- Ne parle pas à la police.
- Utilise une adresse courriel sécurisée ne mentionnant pas ton vrai nom et utilise-là uniquement pour tes activités militantes.
- Ça peut être pertinent de te trouver un pseudonyme que tu utilises dans les milieux militants.
- Garde les informations de ta participation à des actions illégales et celle de la participation des autres pour toi.
- Ton besoin d’en connaître doit être dicté par ton rôle dans l’évènement, non par ta curiosité.
- Si possible n’amène pas ton téléphone dans les évènements militants. Sinon, laisse-le éteint dans une autre pièce pendant les discussions.
- Adopte des pratiques sécuritaires tout en restant accueillant.e.s avec les camarades.
Tous ces conseils sont bons à la fois pour devenir de meilleures militantes anarchistes, mais aussi dans la vie de tous les jours. Si on veut se mettre en marche vers une société plus égalitaire et libre, avoir ces comportements partout et les encourager chez les autres personnes est essentiel.